Comment tirer parti de son endettement ?

Je m’installe, j’emprunte et je rembourse : quelles sont les règles à suivre pour bien gérer mes financements ? Éléments de méthodologie Avec Philippe Becker, directeur du département pharmacie de Fiducial.

ph131-BeckerPhilippe Becker "L’emprunt ne peut pas être une fuite en avant pour combler les déficits ni un mode d’acquisition hasardeux"

 

En matière de financement, si les sources de financement sont variés, les règles sont claires. « qu’il s’agisse d’un apport du pharmacien exploitant, d’un crédit vendeur sur le fonds ou le stock, d’un emprunt bancaire à long et moyen terme ou d’un crédit-bail, un pharmacien ne peut pas être financé par des capitaux apportés par des non pharmaciens ou des fournisseurs, rappelle Philippe Becker. Le crédit bancaire est et reste incontournable. Il convient donc d’avoir d’excellentes relations avec son banquier ! » et de vérifier que l’on a les épaules assez solides pour supporter l’emprunt.

Les grandes règles en matière de gestion des financements

« plusieurs règles régissent l’emprunt, analyse Philippe Becker. On emprunte que si l’on est sûr de rembourser ! L’emprunt ne peut pas être une fuite en avant pour combler les déficits ni un mode d’acquisition hasardeux. La deuxième règle consiste à vérifier avec son expert comptable que l’annuité de remboursement est compatible avec les possibilités financières de l’officine acquise. Enfin, il s’agit de veiller à ce que la durée de l’emprunt corresponde à la durée de vie économique du bien ou à la durée estimée du retour sur investissement ». Il est important également de bien dialoguer avec son banquier, lors de la demande de financement. « Un bon emprunt passe nécessairement par une bonne communication avec son banquier sur les projets, en tenant compte des délais d’étude des prêts, des demandes de garantie…, ajoute Philippe Becker. Il s’agit de préparer grâce à ses conseils un dossier qui présente le projet avec pertinence. »

Se poser les bonnes questions

Si j’emprunte, vais-je réduire ma fiscalité ?

Oui, car, dans chaque mensualité, il y a une part déductible fiscalement et une part non déductible. En pratique, pendant les premières années, l’effet d’aubaine fiscale est fort et se réduit ensuite pour quasiment disparaître dans les dernières années (crédit classique). Le crédit in fine a aussi été construit pour cela, mais il suppose d’avoir une capacité financière préalable importante.

Si j’ai de la trésorerie, dois‑je l’utiliser ou emprunter ?

On a toujours intérêt à demander de l’argent même quand on n’en a pas réellement besoin pour plusieurs raisons évidentes :

  • le banquier est plus enclin à prêter quand tous les voyants sont au vert et que la trésorerie est confortable,
  • avoir de la trésorerie d’avance est d’un grand soutien psychologique dans la vie en général,
  • avoir de la trésorerie, c’est pouvoir agir vite sur des opportunités,
  • l’emprunt réduit la fiscalité professionnelle.

Si je n’arrive plus à rembourser mon ou mes emprunts, dois-je déposer le bilan ?

Pas forcément, il faut analyser les causes du problème sans concessions et les options possibles. Les options sont nombreuses si elles sont anticipées, diminuent avec le temps et disparaissent au final. Exemple d’options « classiques » :

  • la restructuration de la dette et son réétalement,
  • la procédure de sauvegarde,
  • la vente de l’officine ou des parts.

Que signifie « restructurer une dette bancaire » ?

La restructuration a pour objectif de réduire non pas l’endettement, mais les mensualités en les étalant sur une durée plus longue qu’initialement prévu. C’est une opération coûteuse, mais qui permet dans la plupart des cas de régler une impasse financière et de transformer de la dette bancaire à court terme (découvert, par exemple) en dette bancaire à long ou moyen termes. Cela améliore la présentation du bilan en augmentant les engagements à long terme par rapport aux engagements à court terme qui sont instables. (Cela n’est possible que si une partie significative du capital a déjà été remboursée !)

Comment financer ses investissements ?

Les techniques des financements sont juridiquement différentes : avec le crédit-bail, on est propriétaire du bien lorsqu’on lève l’option d’achat, on n’est jamais propriétaire avec la location financière. Il n’y a pas de différences marquées au plan fiscal, le crédit bancaire est moins coûteux. Avec le crédit-bail et la location financière, on paye d’avance les loyers, mais les établissements financiers sont moins exigeants en matière de garanties, puisqu’ils restent propriétaires du bien. (Ces techniques sont réservées à des biens à obsolescence rapide.)

J’ai emprunté à un taux élevé par rapport au marché actuel, que dois-je faire ?

Tout d’abord, il faut analyser sa situation financière : suis-je dans une position qui me permet de renégocier avec ma banque ou avec une autre banque ? Ensuite, il faut calculer si le jeu en vaut la chandelle en intégrant le coût des indemnités de remboursement anticipé, les conditions bancaires (en cas de changement de banque), les frais de dossier et les coûts administratifs. Enfin, il est judicieux de regarder si l’on ne doit pas en profiter pour restructurer la dette.